- Associations, Octobre rose
Mois OCTOBRE ROSE
Dans le cadre d’Octobre Rose, la mairie de Técou met à l’honneur des femmes qui ont été directement ou indirectement touchées par le cancer, ainsi que celles qui contribuent chaque jour à la vie du village. À travers leurs témoignages, leurs conseils et leur regard sur la maladie, mais aussi sur la condition féminine, nous aurons l’occasion de découvrir des parcours inspirants et des femmes d’exception.
PORTRAIT : Reine Albarede
- 30 septembre 2024
- Valérie Chauvet
La « Fleur de l’espoir » association fondée en 2008 et créée par Reine Albarede a pour mission de soutenir la Ligue contre le Cancer, tant sur le plan financier (recherche, aide aux malades) que sur le plan éducatif (sensibilisation, actions de dépistage). Elle organise, en collaboration avec d’autres associations et les bénévoles, des événements conviviaux tels que des lotos, bals, randonnées, afin de promouvoir des habitudes de vie saines et de mettre en pratique les recommandations en matière de prévention.
Qui se cache derrière Reine Albarede, présidente de l’association « Fleur de l’espoir” et bénévole de la “Ligue contre le cancer” ?
Je suis Reine Albarede, 74 ans, j’habite à Técou, técounaise pure souche. J’ai été infirmière en psychiatrie pendant 35 ans. Et c’est le cancer qui m’a sorti de ma vie professionnelle à 55 ans en 2005, quand j’ai eu mon cancer du sein. J’ai créé l’association “Fleur de l’espoir” parce que je voulais faire un geste vis-à-vis de la « Ligue contre le cancer » dont je suis une bénévole active et anciennement administratrice durant 7 ans.
Pouvez- vous partager votre histoire de la découverte de votre cancer ?
Je faisais des mammographies tous les 2 ans, de façon régulière. Et en 2005, je devais partir en croisière au mois de décembre. Au mois d’octobre, je me suis dit, par prudence, il y a 2 ans que tu n’as pas fait de mammographie, tu vas la faire mais en ayant aucun signe. En sortant de la mammographie, on m’a dit : “il y a une petite boule”. Parce qu’ils avaient du mal à mettre le mot “cancer” sur la maladie. Et là très vite, ça a été chirurgien, et puis ça s’est enchaîné. Et 15 jours après, en forçant un petit peu le passage, j’ai pu être opérée et j’ai pu subir tout ce qui va, la chimio, les rayons, l’hormonothérapie. Tout ça a duré 5 ans.
Mais ce que je voudrais préciser, c’est que je n’avais aucun signe avant-coureur. J’avais un nodule qui faisait 1,8 cm sous le mamelon. Donc qui dit sous le mamelon, dit pas forcément détecté lors de la palpation. Et quand on me dit : “je n’ai pas de boule, je suis bien, moi je n’ai pas de cancer”, je leur dis toujours que sous le mamelon, il peut s’y cacher et vous ne le voyez et ne le sentez pas. C’est pour ça que je me bats pour que les femmes fassent des mammographies.
Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez appris le diagnostic ?
Et ben, je vais mourir. J’avais 55 ans, 2 petits enfants, un de 3 ans et l’autre d’un an. Je me suis dit : “Tu ne les reverras plus”. Quand je me suis un peu ressaisie, j’ai vite téléphoné à mon médecin. En sortant, je ne savais pas où j’avais la voiture qui était pourtant garée devant l’établissement, mais je ne savais pas où elle était. C’était un coup de massue. Surtout quand on ne s’y attend pas parce que j’aurais eu mal, j’aurais eu des signes, peut être que je me serais dit : ”Bon peut être que tu as un cancer”. Mais là, j’ai quitté mon travail une demi-heure plus tôt pour pouvoir monter à Albi faire la mammographie la fleur au fusil.
Quels ont été les moments les plus difficiles durant le traitement ?
Savoir gérer l’entourage. Moi, j’ai eu beaucoup de chance parce qu’étant infirmière, on nous apprend que quand on a des emmerdements, en parlant poliment, on doit les laisser devant la porte. Quand on rentre avec la blouse, on met la blouse, on doit être quelqu’un au service des malades, mais de vous, on ne s’en occupe pas. Les ennuis que j’avais, je ne savais pas où les poser. Donc je suis allée voir la “Ligue contre le cancer”. Et là, j’ai trouvé un médecin qui était bénévole. On a discuté. Et j’ai pu cracher toute la lourdeur de l’annonce.
Vous parlez de l’entourage, c’est-à-dire ? Leur maladresse ? Le fait de ne pas savoir quoi faire ?
Pas savoir quoi faire, c’est sûr. Maladroit…
“Ce n’est pas possible, on n’y croit pas, on n’y croit pas. Enfin tu te connais ! Tu connais les traitements, tu en as eu vu des cancers ? Ce n’est pas possible !”
Et là, un déni de l’entourage. Et quand je dis un déni, j’avais l’impression que le cancer se transmettait par téléphone. Parce que j’ai de la famille qui m’a tourné le dos. Par la suite, on a réfléchi, on y est revenu, on en a rediscuté mais au départ ça fait très mal. Je me suis sentie complètement isolée de la famille proche, des copains, des amis. J’étais contagieuse, le cancer, ça s’attrapait.
C’était en 2005 quand même. Je pense qu’aujourd’hui les mentalités ont changé. Parce que c’est très violent quoi. Peut-être que j’ai voulu moins l’extérioriser, parce que je n’avais pas envie de faire souffrir ma fille qui avait 25 ans, les petits, le mari qui ne comprenait pas ce qui m’arrivait. Et d’ailleurs le mari a toujours dit que j’allais très bien tout le temps, même quand je vomissais ou j’étais blanche comme un linge. Mais pour lui, j’allais toujours très bien. Il était dans un déni complet. Je ne lui reproche pas parce que je pense qu’il a été surpris et maladroit, parce qu’on ne lui avait pas dit comment il fallait faire.
Et comment cette expérience a-t-elle changé votre façon de voir la vie ?
Oh ! Elle est belle maintenant la vie. La vie est belle et j’ai fait du tri dans mes amis et mes copains. Je préfère vous dire que j’ai pris la passoire et j’ai fait du tri.
Le cancer a-t-il eu un impact sur votre carrière ou votre vie professionnelle ?
J’ai eu un arrêt, je suis passée pendant 3 ans en longue maladie. Après, je suis passée en l’invalidité et le jour de mes 60 ans, on m’a dit : “Dehors !”
J’étais au Bon Sauveur et les 3 dernières années vers 2001, j’étais à Gaillac au CMP. Au CMP, je m’occupais de pas mal de patients et du jour au lendemain, je suis allée voir les copains, je leur ai dit : “Allez, dispatchez ! Moi, je m’en vais !” Je m’en vais mais avec l’impression de dire “je m’en vais, mais je ne suis pas sûre de survivre”.
Y-a-t-il des ressources ou des conseils que vous aimeriez partager avec d’autres femmes qui traversent ce combat ?
Des ressources ou partager des conseils ? Ce qu’il faut que je dise, c’est qu’il faut vivre pour soi. Quand la maladie est là, d’abord il ne faut pas l’occulter et la prendre en face. Également garder le moral, ça, ça ne s’achète pas. Mais quand on a une question, toujours essayer de trouver une réponse. J’ai eu beaucoup de chance à la Ligue, dont la présidente, Madame Clottes, me disait que quand ça n’allait pas, je pouvais l’appeler pour la voir afin qu’elle m’explique. Et j’avais un bon radiologue et un oncologue qui étaient très bien. Dans mon cas, j’ai eu le contact avec la Ligue et un médecin qui a été présent.
Quand on a décidé de faire mettre en place le traitement, j’ai dit à l’équipe médicale, si vous m’expliquez tout, moi je vous suivrai. Si vous ne m’expliquez pas ou si vous me mentez, je vais être affreuse. Je l’ai gardé 1 heure et demie ce jour-là tellement j’avais des questions à poser.
Donc vous conseillez aux femmes de se rapprocher principalement de personnes de confiance ?
On peut également se rapprocher de personnes qui ont déjà vécu ce genre de choses. Suite à un article qui est passé sur La Dépêche quand j’ai monté l’association, un monsieur, est venu parce qu’il avait su que j’avais eu un cancer et il devait se faire opérer d’un cancer du foie, alors il était là. Je lui ai dit : “Vous avez un médecin ? Il vous faut vous rapprocher de votre médecin, quelqu’un qui sait.” Je pense qu’il ne faut pas rester isolé parce que dans le cas contraire, on se fait sa propre histoire et le petit vélo se met en route. Et puis là on a toujours raison, puisqu’il n’y a personne qui vous contredit.
Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière après avoir surmonté cette épreuve ?
Avoir changé de caractère. J’étais très soumise, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point. Ça m’a forgé le caractère, ça c’est sûr. Et pour beaucoup de choses. Je ne peux pas dire que je n’ai peur de rien, mais il y a des situations vers lesquelles je vais aller en face avec politesse et gentillesse, mais je vais y aller que ça soit dans le travail ou la vie familiale.
Comment peut-on mieux sensibiliser et soutenir les femmes face au cancer du sein ?
Alors il y a 2 choses, la personne qui a un cancer du sein et qui ne veut pas en entendre parler, ça vous n’en ferez rien. En revanche, la personne qui a un cancer du sein, qui veut en parler, on peut la soutenir. On peut l’aider soit par l’expérience soit la diriger vers des structures ou proposer du sport adapté, des choses qui peuvent l’aider. Quand je fais “Octobre Rose” en tant que bénévole à la Ligue contre le cancer, il y a des gens qui ne souhaitent pas en parler, là ça n’est pas la peine, ne perdez pas votre temps.
Sur les stands de la Ligue contre le cancer sur certains évènements sur les marchés, vous pouvez vous renseigner en rencontrant des personnes ou avec de la documentation qui incitent les personnes à se faire dépister. Il ne faut pas hésiter à s’en rapprocher.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut soutenir une personne atteinte de cancer mais ne sait pas s’y prendre ?
Cette personne là, moi je l’appelle un aidant. Pour cet aidant, la Ligue contre le Cancer organise des rencontres entre aidants. Alors la Ligue ne peut donner que des conseils, parce que chaque aidant à une relation particulière avec la personne atteinte de cancer. Mais je pense que partager l’expérience entre aidants, c’est quelque chose qui est valable.
En ce qui me concerne, à l’époque ça ne se faisait pas. On m’avait tellement inculqué que je devais être une infirmière modèle et que les problèmes on les pose sur le balcon, alors j’ai tout gardé pour moi.
Aujourd’hui, je ferai différemment. D’ailleurs, j’ai eu un autre cancer, mais celui-là, je n’en ai pas eu peur. Vous savez que pour leur faire dire le mot cancer, ils ont du mal. Alors ils te disent un nodule, une grosseur, ils te donnent plein de noms différents. Mais cette fois, j’ai dit : “Attendez, ne me prenez pas pour une imbécile, c’est un cancer !” et il répondait : ”Ben, peut-être, on verra. » J’ai répondu qu’on fera comme si ça en était un. Mais je n’ai pas eu peur. Peut-être aussi parce que je le sentais moins grave que celui du sein, où il y avait eu des ganglions et tout.
Est-ce qu’il y a des choses que vous aimeriez ajouter ?
Ce que je pourrais dire, c’est que quand on a cette maladie, on n’est pas régulier dans notre forme. Il y a des jours, on pète le feu, on gravirait les montagnes et d’autres, même une paille on ne la ramasse pas. Et alors ? Il ne faut pas se forcer, il faut vivre le moment présent comme on le ressent. Il ne faut pas faire semblant, quand on ne peut pas, on ne peut pas et surtout ne pas en avoir honte.