Mois OCTOBRE ROSE

Dans le cadre d’Octobre Rose, la mairie de Técou met à l’honneur des femmes qui ont été directement ou indirectement touchées par le cancer, ainsi que celles qui contribuent chaque jour à la vie du village. À travers leurs témoignages, leurs conseils et leur regard sur la maladie, mais aussi sur la condition féminine, nous aurons l’occasion de découvrir des parcours inspirants et des femmes d’exception.

PORTRAIT : Mélanie BAUDRU

Qui se cache derrière Mélanie Baudru ?
Une jeune femme de 40 ans, técounaise depuis 2011, mariée avec François et maman d’Axel (CM2) et Léa (4ème). Je suis chef de projets, conceptrice pédagogique dans une structure dynamique spécialisée dans la formation digitale, Numix.

Pouvez-vous partager votre histoire et comment avez-vous découvert votre cancer ?
Cancer du sein hormonodépendant, diagnostiqué en juin 2023. En fait, c’est mon mari qui a découvert deux boules, une dans le sein et l’autre à l’aisselle. Je suis allée consulter ma sage-femme qui m’a suggéré de faire des examens complémentaires dans le doute (échographie, mammographie) bien que la situation ne lui semblait pas alarmante.
Un kyste a bien été repéré, mais à priori bénin ; on m’a invitée à revenir 4 mois plus tard pour contrôler. Lors de ce contrôle, pas d’évolution, rendez-vous a été pris pour le semestre suivant. De retour 6 mois plus tard, le kyste avait changé de forme, ce qui a motivé la réalisation d’une biopsie.
Quelques jours plus tard, mon généraliste me contacte et m’annonce : “J’ai reçu les résultats de votre biopsie, ils ne sont pas bons, j’ai besoin de vous voir, venez accompagnée. »

Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez appris votre diagnostic ?
Pas particulièrement stressée entre la biopsie et les résultats, j’ai bien sur accusé le coup lors de l’annonce officielle (bien que le message était déjà clair au téléphone le matin). Cela ne m’a pas non plus chamboulée au point de stopper toute activité pro ou perso ou tout projet, y compris à très court terme.
J’appréhendais davantage la manière dont j’allais annoncer la nouvelle à mes sœurs et parents (d’autant plus que ma mère avait eu la même annonce quelques année auparavant, à 59 ans). Alors oui, au début on m’a parlé d’ablation mais je crois (bêtement, bizarrement…) que c’est plutôt quand on m’a parlé des effets secondaires, notamment de la chute de cheveux que j’avais du mal à me projeter et garder le sourire.
Quant à l’annonce aux enfants, nous l’avons faite sans tarder et sans tabou, en toute transparence dès que nous sommes revenus de la consultation avec notre médecin. Nous ne souhaitions rien leur cacher et avancer ensemble, en toute transparence, pour le bien-être de tous.
Nous voulions profiter de cette épreuve pour qu’ils entendent parler de cancer, et je n’avais pas envie qu’ils associent ce mot à la mort (d’ailleurs, ce n’est pas une question que je me suis posée). Dès le surlendemain, pour la fête des pères, nous sommes allés faire une rando tous les 4, comme prévu, la vie continuait.

Quels ont été les moments les plus difficiles durant votre traitement ?
La période estivale… Avoir une première idée du protocole, savoir quelles étapes, quelles échéances m’attendaient a pris du temps et m’a (nous a) semblé long ! Ce n’était pas vraiment une crainte, mais un temps de latence propice à des questionnements, des incertitudes, des difficultés à se projeter notamment.
Mon premier rendez-vous à l’Oncopole, à peine 15 jours après mon diagnostic, ne m’avait donné aucune piste, à part qu’il s’agirait d’une tumorectomie (pas d’ablation), et d’un retrait de quelques ganglions (aisselle). La chirurgie étant la première étape, je n’ai pas vu d’oncologue ni eu de visibilité sur la suite, pendant 2 mois. Mon seul contact était la chirurgienne, avec laquelle le feeling était plus que moyen.
Je travaillais à ce moment, je n’avais pas envie de m’arrêter de suite, j’étais dans le flou et ne pouvais préciser ni quand ni combien de temps je serai probablement absente.
L’une de mes premières réflexions suite à l’annonce, était de me dire que je ne me sentais pas malade, je n’avais mal nulle part et que ce serait la chimiothérapie qui « me ferait mal » ou me « rendrait malade ». Une situation très particulière…
J’ai eu beaucoup de chance, mon traitement s’est très bien passé :
– Opération (fin juillet 2023) : retrait de la tumeur et de quelques ganglions (RAS côté cicatrices, pas de douleurs, d’immobilisation…).
– Chimiothérapie (mi-septembre 2023 à fin janvier 2024) : 16 chimios, avec 2 traitements différents. Là encore, tout s’est déroulé de la meilleure des façons. Très peu, voire pas d’effets secondaires hormis la perte des cheveux (anticipée et beaucoup mieux vécue que je ne le craignais), un peu de fatigue (rare et passagère). Le plus pénible, était que mes globules blancs restaient bas et menaçaient de compromettre la réalisation de chaque cure de chimio; je craignais, à chaque fois, que ça ne repousse l’échéance finale.
– Radiothérapie (début mars à fin avril 2024) : 33 séances (quotidiennes, les jours ouvrés). Bien supportée également, pas de brûlure, de fatigue associée ou autres effets.
– Hormonothérapie (depuis fin avril et pour 5 ans) : additionnée à une thérapie ciblée les 2 premières années, ce traduits par 3 cachets quotidiens, associés à une piqûre mensuelle. Il s’agit de l’étape que je ‘redoutais’ le plus : chez soi avec « la vraie vie » qui reprend, loin des hôpitaux, infirmières et autres médecins spécialistes. Et les probables effets secondaires n’étaient pas pour me rassurer (courbatures, fatigue, bouffées de chaleur, nausées, maux de ventre importants…). Je restais malgré tout positive et motivée à poursuivre dans la même optique que les étapes précédentes ! Ne voulant pas précipiter ma reprise professionnelle et risquer un « faux départ », j’ai préféré avoir un mois de recul avant d’envisager de retourner travailler, sereine. J’ai finalement repris à mi-temps thérapeutique au 1er juin 2024, puis à temps plein depuis le 1er septembre dernier.

Comment cette expérience a-t-elle changé votre façon de voir la vie ?
De nature optimiste, positive, voire peut-être un peu naïve parfois, j’ai toujours aimé avoir la bonne humeur « contagieuse ».
Aujourd’hui, j’ai une expérience, qui d’un point de vue extérieur semble difficile, mais j’ai envie de dire que c’est possible, que ça peut bien se passer. Je souhaite montrer aussi la combativité, le fait de ne pas pleurer pour un oui ou pour un non, notamment aux yeux de mes enfants : leur prouver que c’est possible, que parfois nous sommes « attaqués », surpris… mais que l’on peut malgré tout s’en sortir (avec le sourire ?).
Le cercle vicieux ou le cercle vertueux, j’ai choisi le cercle vertueux. C’est vrai qu’en rentrant de chimio, parfois, j’ai été un peu fatiguée, mais rien de plus, je n’ai pas eu de nausée, ou autres effets souvent vécus par les personnes sous traitement. Ce que je faisais lorsque je me sentais un peu fatiguée ? J’avais 2 options : aller me coucher et me lever le lendemain matin, toujours fatiguée ; ou opter pour un moment actif (fitness, pilates, marche, un petit truc tranquille de 15-20 minutes minimum) et après me sentir mieux ! Je choisissais systématiquement l’option 2, régulièrement suivie d’une session plus dynamique et cardio pour vraiment être bien (puis, j’avais le temps !).
Je ne suis probablement pas la même Mélanie qu’avant, mais en même temps pas si éloignée, j’ai juste une expérience supplémentaire (qui n’a pas été non plus une année noire) et désire qu’elle soit vecteur de messages positifs. Alors, la positive attitude, c’est bien parce que ça me ressemble, mais il ne s’agit pas non plus de faire peur aux personnes concernées, de les culpabiliser, encore moins de leur mettre la pression. L’idée n’est pas de comparer, mais de dire que c’est possible.

Le cancer a-t-il eu un impact sur votre carrière ou vos projets personnels ?
Non, mis à part que l’année du diagnostic, nous ne sommes pas partis en vacances estivales du fait de l’opération.
Même au niveau de ma vie pro, ce sont mes proches, mais aussi mes patrons, mes collègues qui m’ont incitée à m’arrêter et à penser à moi.
Depuis, j’ai pu ouvrir le dialogue sur le cancer, apporter ma petite pierre à l’édifice, aussi bien auprès de ma famille, de mes amis, que de mon entourage professionnel. La perception de la maladie, la manière de réagir, ce dont on peut avoir envie ou même besoin durant cette période, sont autant de sujets qu’il me tient à cœur de relayer au travers de mon expérience personnelle.

Y a-t-il des ressources ou des conseils que vous aimeriez partager avec d’autres femmes qui traversent ce combat ?
De nombreuses informations (fascicules, livrets, sites internet) existent et nous sont communiquées par les différents interlocuteurs rencontrés durant le parcours de soin. Mais, que faire avec tout ça ? Mon ressenti ? Trop d’infos, textes, sources : je n’avais pas envie de passer mon temps à lire des documents sur le cancer, même si je ne manquais pas de temps !
Je n’ai pas voulu fouiller sur Internet, au risque de trouver des infos inquiétantes, anxiogènes ou encore obsolètes… Mon conseil : discuter avec les professionnels de santé (médecins, infirmières, kinés, pharmaciens), les VSL (véhicule Sanitaire Léger), les autres patients (« jauger » au cas par cas), voire les associations pour être orienté sur ce qu’il existe, en fonction de nos propres problématiques et besoins. Puis, essayer de recouper tout ça.
Quelques ressources locales auxquelles je pense, chacun pourra y piocher selon ses envies, son état d’esprit et de forme :
– Kinés spécialisés (ou non) : il ne faut pas hésiter à se faire prescrire des séances post-opération, même si « tout va bien ».
– Pharmacies : certaines d’entre elles sont particulièrement investies sur le sujet. Elles conseillent sur les prothèses capillaires ou autres accessoires (perruques, foulards, bandeaux, bonnets) qu’elles commercialisent. Elles proposent aussi des moments de soin gratuits (octobre rose, mais pas que). La peau, fragilisée par les
différents traitements, demande parfois une attention particulière, c’est également le cas des ongles par exemple… et ces produits sont aussi disponibles dans ce type de pharmacies.
– Stage Cap’Horm (Albi ou Castres) : permet aux personnes qui ont un cancer hormonodépendant, d’avoir de l’information sur l’hormonothérapie, en groupe. Un jour et demi d’échanges et partages, de découvertes et recommandations éclairées (psychologue, oncologue, diététicienne, intervenante en activité physique adaptée).
– Oncogite : pour « remédier » aux troubles cognitifs liés au cancer. Ce sont des ateliers hebdomadaires avec une psycho neurothérapeute (visio ou présentiel), en groupe ; « gymnastique neuronale » pour réapprendre à réfléchir, mémoriser….
– Associations : elles sont nombreuses et offrent diverses actions. À Graulhet, « Roze Mental » par exemple, aide à financer certaines dépenses liées à la maladie et non prises en charge (ou partiellement).

Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière après avoir surmonté cette épreuve ?
Fière n’est peut-être pas le mot, mais « chanceuse », au regard du comportement et des réactions de ma famille proche, mon mari, mes enfants, mes amis à Técou ou ailleurs. J’ai été vraiment bien entourée, ça a largement contribué au maintien de mon état d’esprit et à ma détermination !
Par ailleurs, j’ai continué à pratiquer une activité physique quotidienne, à me challenger et aller de l’avant, c’est une sorte de fierté oui ! Deux exemples auxquels je pense :
– Course de la Jonquille contre le cancer (03/2024) : équipe de plus de 30 personnes fédérées pour cette ‘course’ connectée (/marche) en faveur de l’Institut Curie
– Ekiden d’Albi (09/2024) : équipe 100 % féminine des « Técou rageuses » (marathon en relais à 6)

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut soutenir une personne atteinte de cancer mais ne sait pas comment s’y prendre ?
Oser aller vers la personne au risque de se faire remballer, tout le monde ne réagira pas de la même façon, mais si l’envie est là, il faut tenter ! Ne serait-ce qu’un petit SMS, « Écoute, comment je peux être là ? J’ai envie d’être présent pour toi… »
C’est évident, mais il faut «juste» s’adapter à la personne, ne pas se mettre de frein, ni s’interdire certaines phrases du genre : « Comment vas-tu ? ». Selon moi, il faut aller vers la personne, l’écouter pour trouver les bons mots, le juste milieu, et l’aider. Par exemple, lui faire faire (si possible, sans la brusquer) un peu de marche une fois de temps en temps, aller boire un café, aller manger à l’extérieur…
Ne surtout pas couper le lien.

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